Les changements climatiques
Les changements climatiques désignent les modifications durables des conditions météorologiques, principalement causées par l’augmentation des gaz à effet de serre due aux activités humaines. Cela entraîne une élévation des températures mondiales, des changements de précipitations et des événements climatiques extrêmes plus fréquents : tempêtes, inondations, ouragans, incendies, etc. Ces dernières années, on observe une augmentation significative des températures à l’échelle mondiale, avec une année 2023 se distinguant comme l’année la plus chaude depuis l’ère préindustrielle. Concernant les océans, les risques associés à l’élévation du niveau de la mer pourraient affecter 680 millions de personnes résidant sur les zones côtières d’ici 2100 selon l’Organisation météorologique mondiale. Rien que sur le marché Français le risque d’inondation et de submersion marine est estimé à 54 milliards d’euros sur la période 2020-2050.Le secteur de l’assurance est fortement affecté par les changements climatiques, voyant une augmentation des catastrophes naturelles entraînant des pertes financières importantes. Cela incite les assureurs à augmenter les primes et à réduire la couverture pour certains risques, afin de garantir leurs pérennités.
De plus en plus de tempêtes et d’inondations au 21ème siècle. Les années 2022 et 2023 révèlent une tendance à la hausse du nombre de catastrophes naturelles, avec un total de 1 539 événements enregistrés en 2022, suivi d’une stabilisation en 2023 à 1 621 événements.
Quelques exemples récents d’événements majeurs et leur coût sur le marché français de l’assurance (en millions d’euros).
Selon les projections de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), la charge globale des évènements climatiques extrêmes pouvant impacter les assureurs est estimée à 5,2 milliards d’euros pour une période de retour de 10 ans.
Estimation de la charge prévisible des évènements climatiques extrêmes en France (en millions d’euros).
Ces projections révèlent qu’en France, le risque lié au retrait-gonflement des argiles (RGA) est particulièrement dominant dans l’exposition aux chocs climatiques. Cependant, les inondations et les risques spécifiques aux DOM contribuent également de manière significative à cette vulnérabilité. Concernant la sécheresse, en plus des indemnisations liées au RGA, l’État doit aussi faire face à l’exposition liée aux récoltes, dans le cadre du dispositif d’assurance récolte, ainsi qu’à d’éventuelles mesures de soutien pour les exploitations et les filières en difficulté.
Évaluation des risques : des difficultés accrues pour les assureurs à prédire et à modéliser les risques climatiques
L’évaluation et la couverture des risques climatiques posent plusieurs défis majeurs aux assureurs. La première difficulté réside dans l’incertitude et l’imprévisibilité des événements climatiques extrêmes, compliquant les modèles actuariels traditionnels. Les données historiques ne suffisent plus pour prédire les futurs scénarios de risques. Également les différentes régulations et réglementations variées entre les pays compliquent une approche standardisée.
Adaptation des modèles actuels pour intégrer les données climatiques
L’évolution rapide des conditions climatiques exige une révision constante des modèles traditionnels afin qu’ils restent pertinents et fiables. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle (IA) s’avère être un atout inestimable. Grâce à sa capacité à traiter des volumes massifs de données et à identifier des patterns complexes, l’IA facilite l’intégration des multiples facteurs climatiques, tels que les variations de température, les précipitations, et les phénomènes extrêmes. Elle permet non seulement d’affiner les prévisions, mais aussi d’anticiper les impacts à long terme du changement climatique, contribuant ainsi à une gestion plus proactive et résiliente des risques.
Le risque de non-assurabilité
La non-assurabilité se réfère à des risques trop élevés pour être couverts par des assurances. Avec la montée des événements climatiques extrêmes, certaines régions ou activités deviennent non assurables. Lorsqu’une compagnie d’assurance refuse ou est incapable de fournir une couverture à une personne ou à une chose, on dit qu’elle est « non assurable ». Les changements climatiques augmentent à la fois la fréquence et l’intensité des événements climatiques extrêmes, intensifiant ainsi les défis pour le secteur de l’assurance et amplifiant le concept de non-assurabilité.
Pourquoi certains risques climatiques deviennent ils non assurables ?
Certains risques deviennent non assurables en raison de la fréquence et de la gravité des événements climatiques, rendant les pertes financières trop importantes pour les assureurs. Les secteurs particulièrement vulnérables sont l’agriculture et l’immobilier notamment en zones côtières. L’incertitude et l’imprévisibilité des modèles de risque, exacerbées par les changements climatiques, compliquent la tarification adéquate des polices d’assurance. Les coûts économiques élevés associés aux sinistres, dépassant les capacités financières des assureurs et des réassureurs, poussent ces derniers à limiter leurs couvertures.
Cas d’étude d’assureurs ayant refusé de couvrir certains risques climatiques
Depuis le 1er janvier 2024, la collectivité des Sables-d’Olonne, située sur la côte Atlantique en Vendée, ne bénéficie plus d’une assurance couvrant « les dommages aux biens et les risques annexes » liés aux catastrophes climatiques. Par ailleurs, deux grandes compagnies d’assurance américaines, parmi les leaders du marché de l’assurance dommages aux États-Unis, ont informé qu’elles n’accepteraient plus d’assurer de nouveaux biens immobiliers, qu’ils soient résidentiels ou commerciaux, en Californie en raison de leur exposition aux risques climatiques, notamment aux incendies.
Quelles sont les conséquences économiques et sociales ?
Les particuliers subissent des pertes de biens, des hausses de primes d’assurance et des exclusions de couverture. Les petites entreprises font face à des interruptions d’activité, des pertes de revenus et des coûts de réparation accrus. Les grandes entreprises, quant à elles, rencontrent des difficultés à trouver une capacité d’assurance suffisante pour couvrir l’ensemble de leurs activités.
Les économies locales, notamment celles dépendantes de l’agriculture et du tourisme côtier, souffrent de destructions d’infrastructures et de migrations de population. À l’échelle nationale, les coûts de reconstruction et de secours après des catastrophes naturelles augmentent lourdement, impactant les finances publiques et déstabilisant les marchés financiers et les chaînes d’approvisionnement.
Les réponses et adaptations de l’industrie de l’assurance
Développement de nouveaux produits d’assurance spécifiques pour les risques climatiques
- Les captives de réassurance
Les captives de réassurance offrent aux entreprises une opportunité pour couvrir les risques climatiques non pris en charge par le marché traditionnel, tout en permettant une gestion financière optimisée des coûts liés aux sinistres. Elles permettent également de centraliser les risques et d’accumuler des réserves techniques, offrant ainsi une protection financière durable. De plus, les entreprises adoptant la mise en place d’une captive sont incitées à mettre en œuvre des stratégies proactives de prévention des risques.
- Assurances paramétriques et autres innovations
Les assurances paramétriques versent des indemnités basées sur des paramètres mesurables comme les précipitations ou la magnitude d’un séisme. Par exemple, une assurance couvrant la pluie lors d’un festival sera déclenchée si les précipitations dépassent le seuil défini, tandis qu’une assurance séisme indemnise automatiquement si un tremblement de terre dépasse une magnitude définie dans le contrat.
Des partenariats public-privé
Les partenariats public-privé se présente sous forme de collaboration entre le gouvernement et les assureurs pour couvrir les risques extrêmes, la caisse centrale de réassurance en est une illustration.
Des programmes d’assurance publique mis en place par l’État
Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (CATNAT) est un dispositif créé par la loi du 13 juillet 1982, permettant de pallier une carence de couverture des risques naturels qui n’étaient que très peu assurés jusqu’alors.
Qu’est-ce que la garantie Cat-Nat ?
L’assurance catastrophe naturelle est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance de dommages (multirisque habitation, tous risques auto, local professionnel, etc.). Cette extension donne lieu au paiement d’une surprime uniforme sur l’ensemble du territoire, dont le taux est fixé par l’Etat : 12% de la prime afférente aux garanties dommages et 6% des primes vol et incendie. À partir du 1er janvier 2025, le taux appliqué sera porté à 20% afin de répondre aux risques croissants.
Ce programme permet de couvrir les risques tels que : les inondations, les submersions marines, la sécheresse, les cyclones et ouragans, les séismes, les avalanches et tsunamis.
Des investissements dans la résilience et la prévention
- Financement de projets de résilience
Les investissements dans la résilience comprennent le financement de projets tels que le renforcement des infrastructures des bâtiments face au séisme, le développement de systèmes d’alerte précoce, la construction de barrières contre les inondations, renforcement des fondations et construction d’un trottoir périphérique ou d’une géomembrane enterrée afin de prévenir le risque de sécheresse.
- Promotion de pratiques durables et résilientes chez les assurés
Les assureurs jouent un rôle clé dans la promotion de pratiques durables et résilientes parmi leurs clients. Ils proposent l’adoption de mesures telles que l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’utilisation de matériaux résistants aux intempéries ainsi que des plans de gestion des risques. Des incitations financières, comme des réductions de primes, sont souvent offertes aux assurés qui adoptent ces pratiques. Cette approche proactive vise à réduire la fréquence et la gravité des sinistres, tout en sensibilisant les assurés à l’importance de la résilience face aux changements climatiques.
Les défis spécifiques de la réassurance face aux changements climatiques
La réassurance joue un rôle crucial dans la répartition des risques en permettant aux assureurs de transférer une partie de leurs sinistralités à des réassureurs. Cela aide les assureurs à maintenir leur solvabilité et à offrir une couverture plus large à leurs clients.
Augmentation des coûts de réassurance
Les événements climatiques extrêmes, tels que les ouragans, les feux de forêt et les inondations, entraînent une augmentation significative des primes de réassurance. Ces catastrophes accroissent la fréquence et la gravité des sinistres, augmentant ainsi les coûts pour les réassureurs. En réponse, ces derniers ajustent leurs primes pour refléter les risques accrus, ce qui se traduit par des coûts plus élevés pour les assureurs primaires.
A titre d’exemple, les ouragans Harvey, Irma et Maria en 2017 ont conduit à une hausse des primes de réassurance dans les régions touchées voir même à des exclusions de garantie dans certains cas extrêmes. De même, les feux de forêt en Californie et en Australie ont provoqué une augmentation des coûts de réassurance pour les assureurs locaux. Ces hausses reflètent les pertes élevées subies et leur besoin de maintenir une rentabilité face à des risques croissants.
Limites de la capacité des réassureurs face aux sinistres climatiques
Les réassureurs sont confrontés à des limites de capacité en raison de la fréquence et de l’intensité croissantes des sinistres climatiques. Les événements extrêmes répétitifs épuisent les ressources financières des réassureurs, réduisant leur capacité à assumer de nouveaux risques. Cette situation pose des défis pour le marché de la réassurance, nécessitant des ajustements stratégiques pour gérer les expositions accrues.
Pour y faire face les réassureurs adoptent plusieurs stratégies, notamment la diversification de leur portefeuille pour inclure différents types de risques et régions géographiques. Ils peuvent également limiter la couverture offerte dans les zones à haut risque et utiliser des mécanismes de co-réassurance pour partager les responsabilités avec d’autres réassureurs. Ces approches permettent de répartir les risques de manière plus équilibrée et de renforcer leur résilience face aux défis climatiques croissants.
Quelle vision du futur ?
Utilisation de la technologie pour améliorer la modélisation des risques (IA, big data)
Également afin d’améliorer la modélisation climatique, il est essentiel de surmonter les limites actuelles liées à la qualité des données et aux outils de modélisation. Cela implique une meilleure collecte et intégration des données d’exposition, de vulnérabilité, et de dommages sur des périodes plus longues. Il faut également améliorer la résolution des modèles, particulièrement pour les événements comme les inondations et les submersions marines. L’incertitude dans les modélisations pourrait être réduite en utilisant des scénarios multiples et en intégrant des tests de résistance pour mieux anticiper les risques extrêmes. Enfin, des collaborations accrues, notamment à l’échelle nationale et européenne, sont cruciales pour le développement de modèles plus précis et fiables à long terme.
L’IA par exemple aide à identifier des schémas et des tendances qui échappent aux méthodes traditionnelles, tandis que le big data enrichit les modèles avec des données reflétant les conditions météorologiques, les infrastructures et les comportements humains. Ces innovations renforcent la capacité des assureurs à évaluer et à gérer les risques climatiques de manière prospective.
Sensibilisation des assurés aux risques climatiques
Sensibiliser les assurés face aux risques climatiques est crucial pour réduire les pertes et renforcer la résilience d’une compagnie. Une meilleure compréhension des menaces permet aux particuliers et aux entreprises de prendre des mesures préventives afin de protéger leurs biens ou leurs activités. Les assureurs jouent un rôle essentiel en fournissant des informations sur les risques auxquels leurs clients font face et les mesures qu’ils peuvent mettre en place pour réduire leurs expositions.
Conclusion
Les défis posés par les risques climatiques nécessitent une réponse intégrée de l’industrie de l’assurance. Les assureurs doivent adapter leurs produits et modèles de risque, investir dans la résilience et sensibiliser leurs clients. Les innovations technologiques, telles que l’IA et le big data, jouent un rôle crucial dans l’amélioration de la modélisation des risques et de la gestion des sinistres. La collaboration entre les assureurs, les gouvernements et les communautés locales est essentielle pour renforcer la résilience collective.
En travaillant ensemble, les assureurs, les clients et les autorités peuvent développer des solutions durables et résilientes pour protéger les communautés et les économies des impacts des changements climatiques.
Présentation des propositions du rapport Lavarde
Face aux enjeux climatiques, la commission des Finances du Sénat propose quatre axes pour faire évoluer le régime CATNAT : renforcer son financement, améliorer la protection des assurés, encourager la prévention et assouplir les règles d’indemnisation. Ces mesures visent à garantir la pérennité du régime et à anticiper les risques naturels futurs. Toutefois, elles ne répondent pas à toutes les problématiques liées aux dérèglements climatiques, notamment l’augmentation des primes d’assurance. De plus, la capacité limitée du fonds Barnier à utiliser tous ses moyens, malgré les besoins croissants, suscite des interrogations. L’application concrète de ces propositions reste incertaine.